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Euractiv / Crise du bio : « Nous devons restaurer un narratif positif », selon l’eurodéputé Claude Gruffat

Euractiv / Crise du bio : nous devons restaurer un narratif positif, selon l'eurodéputé Claude Gruffat, Une du journal Euractiv

Alors qu’il réalise un Tour de France de l’agriculture bio, l’eurodéputé Claude Gruffat (Verts/ALE) revient pour EURACTIV sur l’état de la filière européenne et hexagonale, empêtrée dans une crise sans précédent, et appelle à un vaste plan de relance.

Lors de son Tour de France de la bio, Claude Gruffat s’est rendu à Nantes et ses environs, dans le Lot, à Bordeaux, en Alsace, à Paris, à Lyon et en Bourgogne. Ces 7 étapes seront suivies en septembre des Landes, du Gard et de la Bretagne.

 

EURACTIV France. La consommation de produits biologiques continue de chuter, entraînant l’agriculture bio dans une crise majeure. Quel est l’état d’esprit des acteurs de la filière française que vous avez rencontrés ? 

Claude Gruffat. Le moral des troupes sur terrain n’est pas bon. Les agriculteurs perdent des contrats avec les distributeurs spécialisés, les grandes enseignes généralistes ont brutalement déréférencé des produits. Quant aux transformateurs, ils ne trouvent plus de débouchés. La filière déplore un manque de soutien évident.

 

Outre la baisse du pouvoir d’achat lié à l’inflation qui sévit depuis 2021, y a-t-il des raisons politiques qui ont conduit à cette crise de la consommation ?

Cette crise a commencé en 2018, avec la mise en place du label HVE [Haute Valeur Environnementale]. Ce concurrent du bio – même chose avec le label Zéro résidu de pesticides – a profondément troublé les consommateurs et brouillé le message. C’est une excellente opération marketing, mais la finalité est désastreuse.

En effet, HVE n’a pas de cahier des charges – même si cela s’améliore avec le niveau 3 [imposant des résultats en matière de performance environnementale, NDLR]. Quant au label Zéro résidu de pesticides, il est trompeur. L’absence de résidus ne prouve rien : en se dégradant les produits se retrouvent généralement sous forme de métabolites imperceptibles.

La deuxième cause est la suppression de l’aide au maintien pour les exploitations bio dans le nouveau plan stratégique national (PSN). Ces deux causes restent très spécifiques à la France, raison pour laquelle nous sommes rentrés en crise plus tôt, et nous en sortirons plus tard.

 

La France possède tout de même la plus grande surface bio d’Europe, et le second marché derrière l’Allemagne…

La France est le plus grand pays agricole d’Europe, il n’est donc pas étonnant qu’elle ait la plus grande surface en bio. Mais nous sommes 14e en pourcentage de surface bio sur l’ensemble des cultures, avec 8,5 % [10,7 % en 2022, NDLR]. Le premier pays est l’Autriche, avec 26 %, et le dernier est l’Irlande avec 3 %. Nous avons donc du retard.

 

L’objectif européen de la stratégie De la ferme à la table (Pacte vert) est de parvenir à 25 % de surfaces bio en 2030. Certains territoires où vous vous êtes rendu y parviennent, comme le département du Lot avec 33 %. Comment expliquez-vous cette avance ?

Dans certaines régions comme le Sud-ouest, en particulier le Lot, la Drôme, le Lot-et-Garonne, le fort développement de la filière est lié à la présence de fermes familiales. Les petites surfaces sont en effet plus rentables en bio, les produits se vendent plus cher, contrairement aux grandes cultures conventionnelles largement subventionnées qui n’ont aucun intérêt à changer.

Mais il y a d’autres raisons à l’essor du bio : en Bretagne, par exemple, il s’agit d’une réaction aux excès de l’agriculture industrielle, très présente dans cette région.

 

Le principal reproche fait à l’agriculture bio porte sur ses plus faibles rendements. En cette période où la sécurité alimentaire redevient un enjeu majeur à l’échelle mondiale, la généralisation du bio est-elle la solution ?

Toutes les études conduites par les ONG, mais aussi l’Organisation des Nations Unies (ONU) disent que l’agriculture bio peut nourrir le monde. Olivier de Schutter, [ex-rapporteur mondial à l’alimentation auprès de l’ONU] a même montré que seul le bio pouvait y parvenir.

De plus, l’Europe, avec ses 12 % de surfaces cultivables mondiales, n’a pas vocation à nourrir la planète entière. Nous devons plutôt faire en sorte que certaines terres produisent un peu plus.

Aujourd’hui, 1,2 milliard de paysans cultivent à la houe, c’est-à-dire à la main, avec une très faible productivité. Une meilleure gestion de la matière organique et des techniques agronomiques pourraient doubler ces rendements, et ainsi répondre aux besoins mondiaux, et même au-delà.

 

Un des principaux leviers pour redynamiser la filière serait, selon des associations, de parvenir à 20 % de bio dans la restauration collective, un objectif inscrit dans la loi EGALIM. Certaines collectivités atteignent les 90 % comme à Grigonnais (Loire-Atlantique), mais la moyenne française peine à dépasser les 6 %. Pourquoi ? 

J’ai été été frappé par les progrès de certains établissements scolaires en matière de distribution alimentaire bio. À Bordeaux par exemple, la lutte contre le gaspillage a permis de diminuer les quantités de nourriture achetée, et ainsi se procurer des produits de meilleure qualité.

Mais du fait de l’industrialisation de l’alimentation, il y a trop peu d’offre à la fois bio et locale pour les établissements. Certains produits sont très difficiles à trouver localement. La France manque aussi de petites unités de transformation pour fournir aux cantines des légumes déjà préparés, lavés.

Il faut donc soutenir l’installation paysanne de proximité, et réinstaller l’ensemble de la filière dans les territoires.

 

Que préconisez-vous pour relancer la filière à l’échelle de l’UE ? 

Il faut que l’UE dédie une partie du second pilier de la PAC à cet objectif. Cela doit s’accompagner d’une réduction des pesticides de 50 % en Europe [Réglement SUR, en cours de négociation] et prolonger une action démarrée il y a 30 ans, à savoir la lutte intégrée IPM [Integrated Pest Management, basé sur des techniques et processus naturels].

Selon les dernières expérimentations de l’IPM dans 15 états membres, les agriculteurs ont pu diminuer de 40 % les pesticides, sans baisse de rendement et en conservant leurs revenus. C’est le meilleur chemin vers l’agriculture bio. Enfin, en France, il faut restaurer un narratif positif pour réhabiliter le label, expliquer pourquoi il est indispensable pour les paysans et les consommateurs contrairement à HVE.

 

Les objectifs européens sont-ils réalistes compte tenu des forces politiques en présence au Parlement et au Conseil, comme le montre la difficulté à faire passer des textes comme celui sur la restauration de la nature ?

Pour l’instant, les chances que cela aboutisse sont faibles. Nous n’avons pas encore atteint ce point de bascule qui contraindrait les conservateurs à changer de posture.

Je vois néanmoins une fenêtre en France, qui existe peut-être ailleurs en Europe : la qualité de l’eau. Nous avons découvert que l’eau potable pouvait contenir des pesticides toxiques, ce qui imposera de nouveaux efforts de filtration et augmentera les prix pour les usagers. Ces questions de santé publique peuvent faire avancer les choses.

 

Retrouvez l’article complet sur : euractiv.fr

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