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Lot. « L’agriculture bio est notre avenir à tous ! » déclare Claude Gruffat, à Cahors

De passage à Cahors, où il s’est lancé dans un Tour de France de la bio, Claude Gruffat a répondu aux questions de la Rédaction d’ActuLot.fr et de La Vie Quercynoise.

Pourquoi le marché du bio marque-t-il des signes d’essoufflement ? Pourquoi l’évolution vers l’agriculture bio paraît-elle irréversible ? Quel caractère revêtent les initiatives lotoises en matière bio ? Autant de questions posées à Claude Gruffat, lors de son passage à Cahors.

Claude Gruffat, député européen écologiste, membre du Groupe des Verts/Alliance libre européenne, a débuté à Cahors fin avril 2023, ce qu’il qualifie de « Tour de France de la bio ». Sa démarche d’aller à la rencontre des agriculteurs et des promoteurs de la filière bio, se veut motivée par les tensions que connaît le marché, alors que depuis 25 ans celui-ci a connu une croissance continue. Claude Gruffat entend encourager le développement de l’agriculture bio, à tous les niveaux, convaincu que ce modèle agricole représente une planche de salut pour tous.

 

« Le soutien au bio et au local a besoin d’une conscience politique forte ! »

 

La Vie Quercynoise et ActuLot.fr : Pourquoi le marché de la bio connaît-il un tassement depuis deux ans ?

Claude Gruffat : Trois raisons principales expliquent cette situation. D’une part, la politique gouvernementale anti bio, a créé des labels intermédiaires entre bio et conventionnel, ce qui n’a pas manqué de perturber les consommateurs (labels Haute Valeur Environnementale, notamment…) Or, affirmer qu’un produit issu de l’agriculture conventionnelle peut être garanti « sans résidus de pesticides » est un mensonge pour les consommateurs, dans la mesure où ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas de résidu du pesticide employé, qu’il n’y en a plus. Parce que les pesticides que l’on met dans le sol à un moment donné, se transforment, c’est que l’on appelle les « métabolites », dans le jargon agricole. Alors que depuis 40 ans et plus, les contrôles en bio s’exercent sur toute la filière, précisément pour certifier « qu’il n’y a pas eu d’emploi de pesticide ».

Autre facteur défavorable pour les produits bio, la sortie de la Covid qui a marqué un bouleversement de la consommation alimentaire. Il est constant que lorsque les ménages doivent rééquilibrer leur budget, la variable d’ajustement concerne l’alimentaire, ce n’est pas nouveau !

Enfin, troisième facteur jouant défavorablement vis-à-vis du bio : la guerre en Ukraine avec la crise du pouvoir d’achat et l’emballement sur le coût de l’énergie et la hausse des prix sur les produits alimentaires. Autant de facteurs qui ont perturbé les modes de consommation.

Pourquoi cette flambée des prix des matières premières alimentaires, alors qu’il n’y avait pas de pénurie ?

En effet, l’augmentation du coût des produits alimentaires n’est pas liée à une pénurie, ni à la guerre en Ukraine d’ailleurs, d’autant que 2022 est l’année du siècle en matière de récoltes de céréales (soja, blé, riz…) dans le monde. Or, au cours de cette même année 2022 les prix ont augmenté jusqu’à trois fois. Par exemple, le blé dont le coût à la tonne oscillait autour de 250 € est passé à 400 € la tonne durant l’été 2022. Il s’agit donc d’une situation purement spéculative et non liée à une quelconque pénurie. Quatre grands acteurs mondiaux des céréales contrôlent 90 % des matières premières alimentaires dans le monde. Il est scandaleux et injuste de constater que la famine dans le monde se joue en bourse !

L’agriculture bio a plutôt été traitée de manière marginale au niveau de l’Europe ; qu’en est-il ?

Au niveau européen, une stratégie a été votée au début de la mandature en cours, fixant l’objectif de 25 % de surfaces en bio, à l’horizon 2030. Il y a plusieurs raisons à cela, dont la réduction de 50 % des pesticides, la baisse de 50 % des antibiotiques dans l’alimentation animale, la baisse des engrais chimiques, etc. Ce qui ne va pas sans tout un corollaire de contrôles des intrants polluants dans les pratiques de l’agriculture dite « conventionnelle », que je nomme « courante » pour ma part, car il n’y a de convention avec personne, pour cette industrie…

Vous soutenez que le système agronomique de la bio reste la solution d’ave-nir, pourquoi ?

Parce que la spécificité de cette méthode agronomique c’est de produire local pour consommer local, sans recours à des polluants, en empruntant des circuits courts, en réduisant les coûts intermédiaires… L’objectif de 25 % de surfaces en bio d’ici 2030, je le répète, devient un sujet particulièrement crucial à atteindre pour avoir une réponse à toutes ces questions auxquelles nous nous sommes retrouvés confrontés depuis la guerre en Ukraine.

 

« Je salue les performances de Cahors en matière de légumes locaux et bio »

 

Comment percevez-vous le Lot, face aux défis ?

Tout ce que j’ai pu voir et entendre, démontre que dans ce département, nous sommes en présence d’un territoire en mouvement, avec de belles unités bio et le souci d’aller vers une souveraineté alimentaire. Superbe défi que de chercher à mieux nourrir la population locale avec des systèmes de production, de plus en plus autonomes. Cela me fascine de voir comment la commune Cahors et la communauté de communes du Grand Cahors, ont créé une légumerie qui permet de trouver des légumes locaux et bio. C’est d’autant plus sérieux comme démarche, lorsque j’entends qu’il est question d’arriver à 70 % de produits locaux, dont plus de 30 % en bio. C’est formidable de constater qu’un territoire se donne une telle ambition, en assurant les repas en milieu scolaire et auprès des aînés en Ehpad. Alors que la loi Egalim a prévu 20 % de bio dans les cantines, en réalité nous sommes à 6 % en moyenne en France. Cela ne doit pas nous consoler, mais dans de nombreux pays, le pourcentage accordé au bio est encore plus bas qu’en France. Cahors, prouve en tout cas, pour sa part, que l’on peut nourrir jeunes et aînés, en bio et local. Remarquable !

Si à cela, j’ajoute que des acteurs se sont lancés dans la fibre textile avec le chanvre, cela apporte une clé de plus à la méthode agronomique avec des cultures nouvelles que l’on n’a pas l’habitude de voir. Tout ceci apporte une ressource supplémentaire en faveur du développement de la culture bio. En effet, plus on enrichira le système agronomique et plus on enregistrera des résultats positifs dans notre modèle d’agriculture. Et de voir des acteurs enthousiastes à l’égard du bio participe au message que l’on peut espérer voir à terme toucher de plus en plus de personnes, tout en rendant une certaine fierté aux agriculteurs engagés dans ce modèle.

Comment qualifiez-vous cette initiative de la mairie d’un jardin-forêt, quartier de Cabessut à Cahors ?

C’est un lieu plein de promesses ! Promesse humaine d’abord, que le fait de se retrouver pour faire des choses ensemble, quelle que soit son origine sociale, en partageant une même ligne d’horizon vers laquelle on souhaite tendre. À savoir devenir producteur et innovant, tout en s’appuyant sur un système agronomique générant des produits sains pour tous. Prendre en compte le changement climatique, l’aridité des sols qui progresse, la faiblesse de la ressource en eau… constitue une zone expérimentale de grande valeur pour les années à venir. Vous cultivez des idées nouvelles, vous élargissez vos rencontres, tout cela est de bon augure ! Pour autant, c’est de s’inscrire dans la durée qui compte et ce qui aujourd’hui est une promesse doit devenir une réalité !

 

« Il faut 8 pommes ordinaires pour égaler une pomme bio, en valeur nutritionnelle »

 

On ne peut pas dire que les instances européennes soient pionnières en matière d’agriculture bio, qu’en est-il aujourd’hui ?

Lorsque ce modèle d’agricul-ture conventionnelle (ou si vous préférez « agriculture courante » comme je le dis) est né au début des années 1960, l’Europe n’était pas autonome sur un plan alimentaire et la France encore moins, il y avait de grands besoins de production. La loi d’orientation agricole avait pour objectif de rendre autonomes nos pays, car la faim persistait en maints endroits. Là où l’Europe n’a probablement pas eu raison, c’est d’une part d’utiliser la chimie au point où elle a été utilisée, et d’autre part c’est de ne pas avoir rectifié 20 ans plus tard, lorsque les objectifs étaient atteints. Là l’Europe aurait pu arrêter le modèle agro-industriel d’exportation qui n’a fait que générer le gigantisme des fermes, la production de masse et qui a rayé de la carte la diversité, le local, les tissus locaux, les filières courtes, les ceintures vertes avec le maraîchage de proximité… Ce n’est pas un progrès que d’avoir industrialisé tous azimuts… En fruits et légumes nous avons perdu entre 55 et 85 % de la qualité nutritionnelle des aliments au cours des dernières décennies. Pour avoir la même quantité de valeur nutritionnelle que ce que réservait une pomme en 1965, aujourd’hui, il faut en manger 8 ! Voilà où nous en sommes arrivés en misant sur le tout quantitatif au détriment du qualitatif ! C’est tout un système alimentaire qui entretient la mal-bouffe et les soucis de santé qui vont avec… Oui l’Europe a continué à soutenir de manière abusive l’agriculture chimique industrielle alors qu’on aurait dû se réorienter et je me bats pour inverser la donne !

Comment percevez-vous la décision européenne de la PAC (Politique Agricole Commune) prise en 2021 qui maintient le cap sur l’agriculture conventionnelle, à contre-courant de ce que vous prônez ?

Effectivement, les écologistes dont je fais partie, ont perdu la bataille politique pour 10 ans. Et ce qui est d’autant plus troublant, c’est d’entendre les scientifiques rabâcher qu’il faut prendre un virage décisif pour éviter le dépassement de température d’1,5 degré, alors qu’on sait que l’agriculture conventionnelle est tenue pour responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous manquons encore une fois d’une conscience politique suffisamment forte !

 

L’article est à retrouver en ligne sur le site d’actu.fr

Merci à Jean-Claude Bonnemère pour son travail.

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